Dans un Saviez-vous que précédent, nous avons vu, qu’en temps normal, le débiteur devrait exécuter son jugement sur une base volontaire1, mais, qu’à défaut, il était possible de le contraindre par l’exécution forcée du jugement.

Ainsi, le débiteur qui fait défaut de s’exécuter peut faire l’objet d’une saisie. Parmi les types de saisie possible, la saisie en mains tierces2 est fort intéressante. Celle-ci s’opère lorsqu’une somme d’argent ou des biens appartenant au débiteur sont saisis alors qu’ils se trouvent entre les mains d’un tiers.

EXEMPLES DE SAISIE EN MAINS TIERCES

Il est entre autres possible de saisir :

  • Le salaire du débiteur;
  • L’argent ou les placements du débiteur détenus auprès d’une institution financière;
  • Les comptes à recevoir du débiteur;
  • Les actions du débiteur;
  • Les biens du débiteur qui sont détenus par une autre personne.

OBLIGATIONS DU TIERS-SAISI

Tout d’abord, le créancier doit faire une demande de saisie auprès d’un huissier. Il doit lui donner ses instructions3, précisant ainsi ce qu’il désire saisir. Lorsque le créancier est représenté par avocat, celui-ci peut assister le créancier dans la préparation des instructions pertinentes à donner à l’huissier et dans le suivi de ses démarches.

Ensuite, l’huissier conçoit un avis d’exécution précisant les obligations du tiers-saisi, soit la personne ou l’institution qui détient le bien du débiteur, et en signifie une copie à ce dernier. Il en notifiera également une au débiteur lui-même ainsi qu’une au créancier.

Sur réception de l’avis d’exécution, le tiers-saisi doit, dans les 10 jours, remplir une déclaration4. Il est tenu de déclarer le montant, la cause et les modalités de toute dette qu’il pourrait avoir envers le débiteur et de fournir une liste précise des biens du débiteur qu’il détient et en vertu de quel titre il les détient. Le cas échéant, il doit mentionner qu’il est visé par d’autres saisies.

De plus, le tiers-saisi est, dès la signification de l’avis d’exécution, gardien des biens du débiteur qu’il détient5. Il peut être tenu de remettre les biens du débiteur qu’il détient à l’huissier, de lui fournir les documents pertinents quant à sa dette envers le débiteur, le cas échéant, et de se prêter à un interrogatoire afin de compléter sa déclaration. Lorsque la déclaration est incomplète ou que le créancier a des motifs raisonnables de croire qu’elle pourrait être mensongère, il peut alors être intéressant de se prévaloir de cet interrogatoire du tiers-saisi, qui peut être fait par l’avocat du créancier. .

DÉFAUT DE COLLABORATION DU TIERS-SAISI

Nous recommandons fortement au tiers-saisi de collaborer et de respecter ses obligations légales. À défaut, il peut être tenu responsable de la dette et être condamné à payer la somme due au créancier saisissant comme s’il était débiteur lui-même6. Cette sanction peut être imposée, par exemple, si le tiers-saisi ne produit pas de déclaration, ne retient pas les biens ou l’argent du débiteur ou produit une fausse déclaration.

CONTESTATION DE LA SAISIE EN MAINS TIERCES

Il est possible, tant pour que le débiteur que pour le tiers saisi, de contester la saisie en mains tierces ou la vente projetée d’un bien dans un délai de quinze (15) jours de la notification du procès-verbal de la saisie, de l’avis de vente ou de la saisie en mains tierces7, entre autres si :

  • les biens saisis sont insaisissables;
  • la dette est éteinte;
  • le prix de vente proposé n’est pas commercialement raisonnable;
  • la procédure est entachée d’une irrégularité d’où résulte un préjudice sérieux, sauf le pouvoir du tribunal d’autoriser l’huissier ou le créancier saisissant à y remédier;
  • un droit de revendication peut être exercé sur le bien saisi ou sur une partie de celui-ci.

La notification de l’opposition opère sursis de l’exécution8, et ce, jusqu’à ce que le tribunal se positionne sur le bien-fondé de celle-ci. Toutefois, si l’opposition ne vise qu’à faire réduire le montant réclamé ou à faire retirer une partie des biens saisis, elle ne suspend pas l’exécution; l’huissier la poursuit alors relativement à la partie non contestée de la réclamation ou pour réaliser les biens qui ne font pas l’objet d’une opposition, à moins que le tribunal ordonne de surseoir. De plus, si la saisie porte sur le salaire du débiteur, l’opposition ne suspend que la distribution des sommes saisies9.

La personne qui désire formuler une opposition aura intérêt à consulter un avocat pour déterminer le bien-fondé de ses motifs, puisqu’il faut savoir que l’opposant qui est débouté de son opposition est tenu, envers les créanciers, le débiteur et le tiers-saisi, des intérêts sur la somme due aux créanciers et des frais de garde des biens pour le temps du sursis.

La saisie en mains tierces constitue ainsi une option intéressante lorsqu’un créancier cherche à forcer un débiteur à acquitter une dette à la suite d’un jugement. Par contre, les autres types de saisie, soit la saisie mobilière  et la saisie immobilière, peuvent parfois être envisagés également.

 

1 Code de procédure civile, RLRQ, c. C-25.01, art.679 (ci-après : « C.p.c. »).
2 Art. 711-718 C.p.c.
3 Art. 680 C.p.c.
4 Art. 711 C.p.c.
5 Art. 712 C.p.c.
6 Art. 717 C.p.c.
7 Art. 736 C.p.c.
8 Art. 737 C.p.c.
9 Néanmoins, si l’exécution concerne un jugement qui accorde des aliments, la distribution des revenus déjà saisis n’est pas suspendue, à moins que, pour des motifs exceptionnels, le tribunal ne l’ordonne.