En matière de perception de comptes, vous avez généralement trois (3) ans pour déposer une demande introductive d’instance contre votre débiteur à partir du jour où la dette qu’il a contractée auprès de vous devient exigible1. Néanmoins, il est possible d’interrompre ce délai de prescription, notamment si vous obtenez une reconnaissance de dette de la part de votre débiteur2.
QU’EST-CE QU’UNE RECONNAISSANCE DE DETTE?
La reconnaissance de dette constitue un aveu émanant de votre débiteur par lequel il reconnaît vous devoir une certaine somme d’argent. Bien que cette reconnaissance puisse être verbale ou écrite, il est fortement suggéré de la mettre sur papier afin d’en faciliter la preuve, au besoin. En effet, la loi prévoit qu’un acte juridique dont la valeur de l’objet excède mille cinq cents dollars (1 500$), par exemple un prêt, ne peut généralement, entre les parties, être prouvé par témoignage à moins qu’il y ait notamment un commencement de preuve3. Ainsi, il est plus prudent de faire signer une reconnaissance de dette à votre débiteur. Celle-ci peut, entre autres, indiquer le nom du débiteur, la somme due, la date de la reconnaissance de cette dette, votre nom ainsi que les modalités de remboursement prévues. La reconnaissance de dette vous permet de négocier avec votre débiteur. En effet, vous pouvez lui promettre de ne pas intenter de poursuite contre lui avant une certaine date si, en échange, il se reconnaît, par écrit, endetté auprès de vous.
QU’EST-CE QUE L’INTERRUPTION DE LA PRESCRIPTION?
Il y a interruption de la prescription lorsque certains événements qui surviennent font perdre le bénéfice du temps déjà écoulé. Parmi ces événements se trouve la reconnaissance de dette4. L’interruption de la prescription a pour effet de faire recommencer le délai de prescription à zéro5. Ainsi, le délai, étant généralement de trois (3) ans en matière de perception de comptes, recommence à courir entièrement à partir de la date où survient l’événement causant l’interruption de la prescription.
QUAND DOIT SURVENIR LA RECONNAISSANCE DE DETTE POUR QU’ELLE PUISSE INTERROMPRE LA PRESCRIPTION?
Pour que la prescription soit interrompue, la reconnaissance de dette doit nécessairement survenir pendant le délai de prescription, et non une fois que le délai de prescription est écoulé. En effet, « une reconnaissance de dette ne peut faire revivre une créance éteinte »6. Par exemple, si le délai de prescription applicable est de trois (3) ans, que ce délai commence à courir le 1er juillet 2021 et donc, que vous avez jusqu’au 2 juillet 2024 inclusivement pour déposer un recours en justice contre votre débiteur, ce dernier doit reconnaître sa dette, idéalement par écrit, avant le 3 juillet 2024. De ce fait, s’il reconnaît sa dette, par exemple le 15 juin 2024, vous aurez désormais jusqu’au 15 juin 2027 inclusivement pour intenter votre recours.
QUE FAIRE SI LA RECONNAISSANCE DE DETTE SURVIENT TROP TARD?
Dans le cas où la reconnaissance de dette serait postérieure à l’écoulement du délai de prescription, deux (2) possibilités s’offrent à vous : la conclusion d’un nouveau contrat ou la renonciation expresse à la prescription acquise émanant de votre débiteur.
Effectivement, si votre débiteur y consent, rien ne vous empêche de conclure un nouveau contrat par lequel votre débiteur s’engage à vous rembourser une somme d’argent déterminée dans un nouveau délai convenu. Encore une fois, nous vous rappelons l’importance de constater cette nouvelle entente par écrit. La signature d’un nouveau contrat pourra être interprétée par les tribunaux comme étant une renonciation tacite à la prescription acquise7.
Autrement, votre débiteur peut, toujours s’il y consent, renoncer expressément à la prescription acquise8. En effet, la renonciation à la prescription acquise peut être expresse ou tacite9. Ainsi, votre débiteur, s’il est conciliant et de bonne foi, pourrait signer un document dans lequel il reconnaît expressément qu’il renonce à la prescription acquise.
En d’autres mots, si votre débiteur consent à conclure un nouveau contrat dans lequel il renouvelle sa dette, mais qu’il ne respecte pas ses nouveaux engagements ou s’il renonce expressément à la prescription acquise, vous pourrez intenter un recours civil contre lui, puisque le délai de prescription initial, généralement de trois (3) ans10, recommencera à zéro11. Mais, bien que vous bénéficiiez d’un délai additionnel, nous vous recommandons d’entamer vos procédures dans les plus brefs délais.
1 Code civil du Québec, RLRQ, c. C-1991, art.2925 (ci-après : « C.c.Q. »).
2 Art.2898 C.c.Q.
3 Art.2862 C.c.Q.
4 Art.2898 C.c.Q.
5 Art.2903 C.c.Q. : « Après l’interruption, la prescription recommence à courir par le même laps de temps ».
6 Great Northern Products Ltd. c. Caisse populaire Desjardins de Baie-Comeau, 2006 QCCA 122.
7 Guilbeault c. Taillefer, 2005 CanLII 49696 (QC CQ).
8 Art.2883 C.c.Q. : « on peut renoncer à la prescription acquise ».
9 Art.2885 al.1 C.c.Q.
10 Art.2925 C.c.Q.
11 Art.2888 : « Après la renonciation, la prescription recommence à courir par le même laps de temps ».