Lorsqu’un huissier cogne à la porte en matière d’exécution de jugement, de nombreuses personnes craignent que celui-ci emporte la totalité de leurs biens sans qu’elles puissent y faire quoique ce soit. Or, la réalité est toute autre.

En effet, le Code civil du Québec prévoit que les biens meubles et immeubles d’un débiteur doivent être affectés à l’exécution des obligations de ce dernier, à l’exception des biens insaisissables¹. Cela a pour effet d’empêcher un huissier de « vider une maison » lorsqu’il exécute une saisie. Le Code de procédure civile (ci-après nommé « C.p.c. ») permet de déterminer quels sont les biens insaisissables.

Les meubles qui garnissent la maison : sont-ils protégés ?

Tout d’abord, l’article 694 alinéa 1 C.p.c. permet de soustraire de la saisie les biens meubles servant à l’usage de la famille et sont nécessaires à la vie de celle-ci qui garnissent ou ornent la résidence principale du saisi et ce, jusqu’à concurrence d’une valeur marchande de 7 000,00$. Ainsi, l’huissier ne pourra pas saisir un lit, un sofa, une cuisinière ou un réfrigérateur.  Si le débiteur possède deux (2) réfrigérateurs, l’huissier ne pourra qu’en saisir un (1).

Quant aux appareils technologiques, les tribunaux concluent qu’ils sont généralement insaisissables, puisque, sauf exception, la vie moderne rend souvent leur usage nécessaire à la vie d’un ménage².

Il est important de noter que l’article fait référence à une résidence principale, donc si un huissier se présente dans une résidence secondaire, tel un chalet, il peut saisir la quasi-totalité des meubles.

Le véhicule est-il saisissable?

Quant à la voiture, l’article 695 C.p.c. prévoit que celle-ci ne peut pas être saisie si elle est nécessaire au maintien du revenu de travail du débiteur ou si ce dernier entreprend des démarches actives afin de se trouver un emploi.

Par contre, si elle peut être remplacée par un véhicule de moindre valeur ou si le débiteur en possède plusieurs, l’huissier pourrait être autorisé à saisir le véhicule. De même, la présence d’un réseau de transport en commun peut jouer contre le débiteur si ce réseau est de nature à combler ses déplacements essentiels. Ainsi, les personnes demeurant au centre-ville de Montréal peuvent beaucoup plus difficilement s’opposer à une saisie que les personnes vivant en région.

Les instruments de travail sont-ils à risques ?

Un débiteur peut soustraire de la saisie les instruments de travail nécessaires à l’exercice personnel de l’activité professionnelle du débiteur³. Le bien doit être plus qu’utile à l’exercice de la profession, autrement il sera saisissable. C’est le cas d’étagères dans un bureau de comptable. Bien qu’utiles, elles ne sont pas nécessaires à l’exercice de la profession de comptable4.

Au contraire, les outils d’un menuisier sont insaisissables. Cependant, s’il est entrepreneur général et que ses outils servent à l’ensemble de ses employés, ils ne bénéficieront pas de la règle d’insaisissabilité puisque l’usage doit demeurer personnel5.

Les biens insaisissables par nature

Enfin, certains biens demeurent insaisissables par nature, et ce, peu importe leur valeur :

  • La nourriture, les combustibles, le linge et les vêtements nécessaires à la vie du débiteur ou d’un membre de sa famille. Un débiteur ne peut donc en principe soustraire à la saisie 20 paires de bottes ou souliers;
  • Les biens nécessaires pour pallier un handicap ou soigner la maladie du débiteur ou d’un membre de sa famille. Un fauteuil roulant ne peut être saisi;
  • Les médailles et décorations, les portraits, les papiers et autres documents de famille;
  • Les vases sacrés et autres objets servant au culte religieux;
  • Depuis l’entrée en vigueur du nouveau C.p.c. en janvier 2016, les animaux de compagnie sont insaisissables6.

En somme, suite à un jugement, un huissier ne peut généralement pas saisir l’entièreté des biens d’une personne, d’où l’intérêt parfois d’envisager en parallèle une saisie du salaire ou du compte de banque.

Sauf exception, la garde des biens sera confiée au saisi7. Cela signifie que jusqu’à la levée de la saisie ou de la vente des biens le saisi pourra continuer de les utiliser.

 

Rédigé avec la précieuse collaboration de Marc-Antoine Pitre, stagiaire en droit.

 


1Code civil du Québec, L.Q. 1994, c. 64, art. 2645.
2Salame c. Deveault, 2008 QCCQ 7200 (CanLII), par. 10.
3Code de procédure civile, RLRQ, c. C-25.01, art. 694 al. 2.
4Stanley Towers Apartments Inc. c. Laliberté, 2016 QCCQ 2060.
5Québec (Sous-ministre du Revenu) c. B.G. Électrique S.N.C., 2001 QCCQ 24424, par. 44.
6Code de procédure civile, préc., note 3, art. 694 al. 4 et 696 al. 1 par. 1.
7Id. art. 731.